lundi 11 janvier 2010

Devenir membre de ce blog

Devenir membre de ce blog implique un intérêt théorico-pratique pour les transitions corporelles proposées à l'intérieur d'un praticable analytique, systémique ou transpersonnel. Cela signifie : avoir une expérience (même courte) dans le domaine, consulter régulièrement le blog, proposer l'un ou l'autre article à publier (avec les réserves d'usage quant aux données cliniques), car il est prévu au minimum un article mensuel, faire des commentaires utiles, partager l'information avec ses contacts intéressés,... Si vous êtes membre et que vous avez un article, envoyez-le moi par courriel, je le publierai sur le blog sous votre nom.

lundi 4 janvier 2010

La sculpture sur le vif

La sculpture sur le vif est une technique de travail corporel mais elle ne prend sa pertinence qu'à s'inscrire à sa juste place dans la relation transféro-contre-transférentielle. Ce n'est qu'alors qu'elle devient une authentique transition corporelle qui pourra donner à l'analysant(e) une conviction sentie (Ferenczi) de ce qui lui vient ou revient.
Concrètement, il s'agit d'utiliser sa main, son poing, les pointes externes des articulations inter-phalangiennes, l'extrémité d'un ou plusieurs doigts, le coude, pour sculpter lentement, voire très lentement et en profondeur fascias, muscles et tendons, ou encore points et méridiens d'acupuncture. Une zone ou le corps entier se trouve ainsi brassé. Le mouvement est lent, profond et puissant, comme un modelage par glissement. Le sujet sculpté respire dans le sillon. Différentes techniques s'y métissent : techniques respiratoires, acupressure, rolfing, alignement, stretching, détorsion vertébrale, massage sensitif et mobilisation passive. Une assez bonne connaissance de l'anatomie est évidemment nécessaire.
L'espace corporel de l'analysant(e) est ainsi progressivement dénoué, ouvert, étayé et relié. Le délié du corps est peaufiné, selon la belle expression de Rafael Baile.  Les ostéopathes le disent tous : nos tissus savent !! Ferenczi écrivait en 1930 "les souvenirs désagréables continuent de vibrer quelque part dans le corps". Je pense qu'avec ce travail, s'il vient à sa juste place dans le processus analytique, nous ouvrons les tissus, mais aussi les os, les articulations, les mâchoires du corps (R. Baile), et les organes (pas seulement les viscères, le coeur aussi).  L'analysant(e) est simplement invité(e) à sentir et accueillir tout ce qui vient : sensations, émotions, souvenirs, images, pensées, mots ou phrases, mouvements.
Faire une sculpture sur le vif, c'est animer le corps, remettre un mouvement de vie dans les tissus, lui donner une texture, écrire le contact à même l'étoffe ou à même la peau, raviver la mémoire cellulaire et activer celle des ancêtres, réveiller les traces internes, les messages du corps sculpté, ouvrir la symbolisation sur le mode contactuel. En sculptant, nous contactons la vérité pathique de l'analysant(e), nous ranimons les corps du dessous, les corps de mémoire, tout en créant ici et maintenant un bord vivant dans la relation intersubjective. Nous rendons palpables les impressions de la matière, nous entrons en contact avec les différents enfants repliés à l'intérieur de l'adulte. C'est aussi entrer ensemble dans une poésie relationnelle, là où les vibrations de l'un comme de l'autre se font entendre et se rencontrent, voire s'accordent. Sculpter est  un art.
Nous pouvons, selon ce qui en jeu dans le travail analytique, travailler une zone, toujours érogène chez l'adulte, par exemple, dégager les épaules du sujet timide, dégager l'espace respiratoire thoracique (sternum, clavicules, côtes, hypochondres), dégager la colonne vertébrale, travailler hanches et sacrum pour travailler l'assiette du sujet, travailler les jambes du sujet à l'ancrage insuffisant, enclencher le psychopéristaltisme par un tour du ventre, sculpter une main,...ou faire une sculpture globale donnant au sujet schizoïde un sentiment d'existence. Il faudra s'y reprendre à plusieurs reprises pour assister à l'émergence du corps (inter)subjectif, du corps érotique relationnel, comme l'évoque Christophe Dejours. Ces excitations de Corps et de Temps réengendrent une pulsionnalité et un érotisme (Pierre Fédida), c'est-à-dire, un élan vital.
Faire l'épreuve de la matière, c'est donner consistance, reviviscence et existence, c'est en-former (Céline Masson) le sujet désirant, dans un pur moment de présent. Je pense que le psychosomatanalyste entrevoit dans le corps sculpté, comme Giacometti, les possibles sculptures du sujet (Céline Masson). Apparait alors chez le sculpté une sensation nouvelle de la réalité. C'est donc un travail de résonnance avec la matière vivante et si la main de l'analyste est suffisamment habitée d'Autre (Joël Clerget), elle permet à l'analysant(e) de s'avancer vers l'insu de soi.
Dans cette forme de transagir analytique, les soins maternels archaïques sont remobilisés et le désir de l'analyste est interrogé : désir d'ouvrer (vieux verbe signifiant agir, opérer, travailler), d'affermer (rendre ferme), désir d'entailler, désir de forger (refondre), de porter, de capter, d'hapter, de modeler, de remanier, d'extraire, de graver, d'en-former, de vibrer, de contacter,... Un analyste averti en vaut deux!! Toucher de la sorte est très porteur, si c'est juste, dans le respect profond de la fragilité du sujet. Si c'est pour satisfaire le désir de l'analyste, cela devient pervers et destructeur.