lundi 22 février 2010

L'Atelier du Monde

Dans quel monde vivons-nous ? Quel monde nous parle, quel monde désirons-nous ?  De quel monde décrochons-nous ?
 L'Atelier du Monde vise à rencontrer l'information comme une énergie. L'humain a besoin de nourriture, d'oxygène et d'information. Il mange, il respire, il s'informe. Comment prêter autant d'attention à l'information qu'à ce qu'il y a dans son assiette et qu'à l'air que nous respirons ?  Quel monde est le mien ?  Quel monde est celui des autres que je côtoie ?  Combien y a t'il de mondes à découvrir ? A l'heure de la surmédiatisation, de Google Earth,..., qu'est-ce que je sais vraiment du monde ? Qu'est-ce qui m'émeut et m'intéresse vraiment ? Quelle information nourrit mon élan vital ? Comment suis-je au monde ?
L'information, ce n'est pas seulement le journal télévisé, parlé, la gazette, les publicités, c'est aussi la conversation que j'ai avec autrui, la couleur des murs de mon habitat, la relation affective avec mes proches,... Que je lise un livre ou que j'écoute de la musique, ou encore que je sois soumis au bruit de la circulation, tout cela est de l'information qui m'arrive. Qu'est-ce que j'en fais ? Laquelle est pertinente pour moi ? Laquelle me nourrit vraiment ? Laquelle m'envahit et m'intoxique ? Quelle information je recherche activement ? A quelle information suis-je soumis passivement ?
L'Atelier du Monde s'adresse à des adultes isolés, que ce soit par peur, par dépression, par manque de moyens, d'occasions ou d'idées, mais prêts à explorer et rencontrer le Monde, c'est-à-dire ce qui les entoure, de près ou de plus loin. Chacun y prendra conscience de ses choix de vie, choix contraints ou plus ou moins libres. Il s'agit d'un espace thérapeutique de groupe. Des expériences mondiales y seront proposées, en utilisant des médias diversifiés (écriture, parole, photographie, arts, pratiques corporelles, gestes, techniques de l'outil,...). Par exemple, dessiner l'intérieur de sa maison, fabriquer ensemble un photo-langage, commenter l'actualité à partir de soi, lire à haute voix une poésie du monde, réaliser son mandala, faire l'expérience d'une posture de yoga, d'une danse du monde, goûter une saveur du monde, partager un fait culturel,... le tout en partant vraiment de soi et en étant vraiment avec les autres. L'objectif est de se refaire tout un monde, et un monde viable, moins violent, moins effrayant, plus attirant que le précédent.
Les Ateliers du Monde devraient se dérouler un mercredi sur deux, en alternance avec l'Atelier du Geste. Le groupe est de taille réduite: six personnes et un ou deux animateurs-thérapeutes, pour faciliter le partage et les échanges.

lundi 15 février 2010

Se tenir et sentir debout

L'analysant(e) est debout juste en face de son analyste, lui-même debout. Parfois, il est utile de lui demander de fermer les yeux pour sentir à l'intérieur, par la suite il/elle peut garder les yeux ouverts. Pour aider à sentir, on peut donner quelques indications :  sentir à partir des pieds et remonter tout le corps, sentir à partir du sommet de la tête et descendre, sentir les zones tendues et les zones de confort, sentir les rythmes internes (coeur, respiration, vibrations), sentir la peau comme interface, les muscles et tendons, les os, les organes,... L'objectif est : ici et maintenant, et pourtant dans le contexte relationnel du transfert et du contre-transfert, sentir partout à la fois au même instant, ce que François Roustang nomme perceptude, une sorte de perception immédiate et globale d'une attitude. Lorsque l'on demande à un ami, comment il va, ici, c'est du vécu, la question est posée au corps-sujet, cela se vit. Notre corps est cet incontournable filtre par lequel tout transite. Des tensions contradictoires le traverse, des oscillations, des torsions, des déséquilibres, des tremblements, des vacillements et des défauts d'ancrage. Comment en prendre conscience, sinon en osant sentir sur place et devant l'autre ? Tenir et sentir debout, c'est tenter d'ouvrir la conscience corporelle à 360 degrés, c'est ouvrir tous les capteurs sensoriels en même temps, sentir à la fois à l'intérieur et à l'extérieur, sentir comme un nouveau-né.
Aïko oscille devant moi, d'avant en arrière. Les yeux fermés, elle sent le sol incliné, en ascension devant elle. Pour compenser, elle penche un peu vers l'avant. Elle oscille fort mais ne vacille pas. Elle se voit comme un arbre soumis à un vent fort. Elle absorbe l'énergie du vent mais ne casse pas. Et il lui en a fallu traverser des tempêtes depuis sa naissance.
Dans cette éprouvance (Alain Amselek), il y a sentir, il faudrait plutôt dire oser sentir, et il y a se tenir, ou plus précisément oser se tenir. En référence à la tenue interne du sujet: comment se tient-il, comment tout cela tient-il ensemble, dans ce corps-sujet exposé au regard de l'analyste ? Est-ce que cela tient ou se disloque ? Qu'est-ce qui le (la) fait tenir debout ? Qu'est-ce qui le (la) soutient ?  Quelle est sa tenue, sa portance, sa contenance, sa consistance ? Au travers des sensations, qu'est-ce qui insiste et qu'est-ce qui ex-siste. Mes jambes ne me tiennent pas me dit une analysante, sur-prise par d'impressionnants tremblements.
Il est intéressant de proposer ce moment au début et à la fin d'une transition corporelle. Le vécu y est fort différent.

lundi 1 février 2010

Le mouvement Buto comme transition corporelle

Le Buto est une danse contemporaine japonaise, développée au début des années 60 par Tatsumi Higikato. Toshiharu Kasaï a associé par la suite les mouvements du butoka à la psychothérapie. Il y évoque le Butoh Body, processus de disponibilité et d'abandon corporels, corps répondant à l'appel du prochain mouvement. comme une forme d'associations libres dans le mouvement où le butoka semble à l'écoute d'un Autre que soi, refondu dans le registre de l'énaction, métamorphosant sa corporéïté au contact d'un thème naturel suggéré par des mots ou des images, jouant alors des registres du vivant (végétal, animal, humain) mais aussi du minéral. Danse de vie qui implique la reconnaissance de la mort en son sein. retrouve-t-il alors, se mouvant des mémoires enfouies, infantiles, matricielles, ancestrales, culturelles ? Ce qui est certain, c'est que s'ouvrent pour le danseur de nouveaux frayages gestuels, qu'il vit à l'intérieur même de la gestaltung, de la formation des formes et qu'il y est présent en état de conscience modifiée, parfois jusqu'à l'épuisement. Ce n'est pas japonais pour rien ! Le mouvement est le plus souvent lent, parfois même extrêmement lent, visible dans les muscles, os, articulations, tendons, organes, ou sur la peau, comme un questionnement adressé aux impressions et expressions profondes. Le Buto est une danse du volume. En transe, en contact avec soi et avec la terre, avec sa peau, ses os, ses muscles et tendons, ses organes, le butoka questionne lentement mais en profondeur, ses impressions et expressions du corps vivant/vécu, jusqu'à penser à travers lui. La danseuse de Daniel Dobbels, dans son solo Parfois, la colère tombe, me parait empreinte de buto. Regardez-là ici:

http://www.dailymotion.com/video/xapxtn_solitaires-parfois-la-colere-tombe_creation

Questionnements, recherches et explorations, en vue d'une émergence subjective, d'un déploiement de l'être, à partir d'une réception souple de cela même qui le/la traverse. Nous sommes proches aussi du contact-improvisation en danse contemporaine. Faire le vide et se laisser imprégner par une métaphore (le cocon, la métamorphose, le climat, la peur, la colère, le bas-relief qui prend vie, la vie d'une pierre, la poussée végétale, le rythme des saisons,...), attendre l'éclosion des sensations et improviser le mouvement, retrouver en chemin les impressions "perdues" de son enfant intérieur, avec ses impasses, et ... frayer une issue.
Praticable dans l'atelier du geste et dans le dispositif duel à transitions corporelles, sur fond musical ou en silence, les yeux fermés ou ouverts, cela ne laisse pas indifférent. Sur une musique d'Armand Amar, Florence a réalisé en six minutes un enchainement de gestes d'esquive et de protection, quelques torsions, balancements et bercements, les émotions étaient présentes, en rapport avec le présent d'abord, le passé ensuite. Quant à Ariane, elle s'est sentie entièrement dénouée et même libérée.