lundi 15 février 2010

Se tenir et sentir debout

L'analysant(e) est debout juste en face de son analyste, lui-même debout. Parfois, il est utile de lui demander de fermer les yeux pour sentir à l'intérieur, par la suite il/elle peut garder les yeux ouverts. Pour aider à sentir, on peut donner quelques indications :  sentir à partir des pieds et remonter tout le corps, sentir à partir du sommet de la tête et descendre, sentir les zones tendues et les zones de confort, sentir les rythmes internes (coeur, respiration, vibrations), sentir la peau comme interface, les muscles et tendons, les os, les organes,... L'objectif est : ici et maintenant, et pourtant dans le contexte relationnel du transfert et du contre-transfert, sentir partout à la fois au même instant, ce que François Roustang nomme perceptude, une sorte de perception immédiate et globale d'une attitude. Lorsque l'on demande à un ami, comment il va, ici, c'est du vécu, la question est posée au corps-sujet, cela se vit. Notre corps est cet incontournable filtre par lequel tout transite. Des tensions contradictoires le traverse, des oscillations, des torsions, des déséquilibres, des tremblements, des vacillements et des défauts d'ancrage. Comment en prendre conscience, sinon en osant sentir sur place et devant l'autre ? Tenir et sentir debout, c'est tenter d'ouvrir la conscience corporelle à 360 degrés, c'est ouvrir tous les capteurs sensoriels en même temps, sentir à la fois à l'intérieur et à l'extérieur, sentir comme un nouveau-né.
Aïko oscille devant moi, d'avant en arrière. Les yeux fermés, elle sent le sol incliné, en ascension devant elle. Pour compenser, elle penche un peu vers l'avant. Elle oscille fort mais ne vacille pas. Elle se voit comme un arbre soumis à un vent fort. Elle absorbe l'énergie du vent mais ne casse pas. Et il lui en a fallu traverser des tempêtes depuis sa naissance.
Dans cette éprouvance (Alain Amselek), il y a sentir, il faudrait plutôt dire oser sentir, et il y a se tenir, ou plus précisément oser se tenir. En référence à la tenue interne du sujet: comment se tient-il, comment tout cela tient-il ensemble, dans ce corps-sujet exposé au regard de l'analyste ? Est-ce que cela tient ou se disloque ? Qu'est-ce qui le (la) fait tenir debout ? Qu'est-ce qui le (la) soutient ?  Quelle est sa tenue, sa portance, sa contenance, sa consistance ? Au travers des sensations, qu'est-ce qui insiste et qu'est-ce qui ex-siste. Mes jambes ne me tiennent pas me dit une analysante, sur-prise par d'impressionnants tremblements.
Il est intéressant de proposer ce moment au début et à la fin d'une transition corporelle. Le vécu y est fort différent.

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