vendredi 30 avril 2010

Le traitement contemporain de l'insolite

Le corps contemporain, dans le surgissement incessant de ses états, traversé par les co-présences, explore les nouveaux espaces d'échanges et de résonnances multisensorielles. Ce corps contemporain, qui est à la fois sujet, objet et outil, producteur, transformateur et lecteur de lui-même, invite à un nouveau dialogue et un nouveau questionnement. Né d'une déperdition et d'un désaississement en profondeur, il se met au travail en deçà des codes, des conventions et des modèles. Bruissant, bouleversant, délié ou relié, dans le vif de son mouvement, émerge un mode différent de symbolisation de la dramaturgie de l'être. Dans l'Atelier du Geste, comme dans l'Atelier du monde, les corps sont des champs relationnels producteurs de poésie. Ce qui rend ces ateliers si porteurs, c'est probablement cette mise en travail des intensités sensitives implicites: les sujets y trouvent des sensations brutes puis subtiles, des sensations d'émotions, des sensations d'idées. Progressivement et lentement, les ateliers proposent un mouvement vers le contact-improvisation, où deux corps sont au contact, en appui réciproque, et réinventent leurs relations, vers le butoh, où les corps, au contact du sol, régressent avant la marche et retrouvent des traces de l'archaïque, vers le taiji où le geste s'épure et se fluidifie, un mouvement global vers les vecteurs d'esthésie, vers un corps-passage, dans la recherche exploratoire de ses destinations. L'essentiel pour chaque sujet est ce qui s'y déploie, ce qui y circule, ce qui se rencontre.
Les voies sont : respirer dans les trois diaphragmes (crânien, thoracique, pelvien), sentir les vibrations tactiles et les modulations subtiles des échanges sensibles, travailler avec l'imprévisible et oser, trans(e)gresser sans cesse et s'abandonner aux secousses profondes de soi.

http://www.youtube.com/watch?v=D9ulxw5zIas&feature=player_embedded#!

mercredi 7 avril 2010

Ombiliquer le sujet

Nous rencontrons des sujets qui se sont pour ainsi dire presque arrachés le nombril. Des écorchés vifs! Défaut d'étayage ou de présence, parents trop narcissiques et toxiques, hyperexcitations précoces, soins maternels désaffectisés... Nous avons alors parfois, au cours du processus thérapeutique, à ombiliquer l'analysant. Techniquement, cela revient à poser sa main sur la région de l'ombilic et à l'y laisser au moins vingt minutes sans la bouger, si possible une demi-heure. Notre analysant vient y respirer, y communiquer, s'y sentir vivant.
Vinciane m'a dit: "cela me fait voyager dans tout mon corps, y repérer mes tensions, m'y sentir vivante, c'est un voyage à l'intérieur". Claudine dira "vous me faites apprécier mon corps, c'est neuf, d'ordinaire, je ne l'aime pas". D'ailleurs Claudine ajoutera avec pertinence, que ce qui importe dans la thérapie, c'est à la fois ce contact corporel, qu'il soit statique (ombilicant, haptonomique) ou dynamique (sculpture sur le vif,...), associé au dialogue. Ce qui importe, c'est que je m'intéresse à elle de manière multimodale (auditive, visuelle, tactile, cénesthésique et kinesthésique, olfactive). C'est cela qui lui procure lentement une conviction sentie de son être et qui l'amène progressivement à s'apprécier, corps et âme.
A partir de l'ombilic, cela s'accorde et cela rayonne. Tout le corps est vite concerné par cette communication archaïque, par ce réveil du cordon.