mardi 12 octobre 2010

Arts, transes et poésie

Dans quelles transes nous engageons-nous, à quels arts sommes-nous sensibles, quelle est ma version poétique du monde et de la vie ? 
Relions nos sensations, nos métaphores et nos énergies. Laissons émerger et se déployer de nouvelles formes de notre être-au-monde. Transitons par du non-conforme, par ce qui nous informe vraiment, davantage que par ce qui nous performe. Dans le contemporain, les formes aiment à se perdre, à se confondre, à se refondre pour advenir autrement. Le sujet contemporain aime lui, à se remettre en forme, compulsivement, de la même manière qu'il performe, sans limitation. Toute remise en forme requiert pourtant un passage par l'informe, un temps de flottement. Alors seulement pouvons-nous composer une vraie remise en forme, par une composition expressément ralentie de formes complexes, transmodales, mêlant textures, sonorités, couleurs, odeurs, saveurs, rythmes, métaphores, mouvements comme autant d'effets de rencontre. Tordons, décalons, extrayons à partir de nos impressions. Osons transir et sortir de la torpeur ou de la compétition.

Je vous suggère l'une ou l'autre lecture:
Sylvie Le Poulichet "Les chimères du corps", Aubier
Nancy Midol "Ecologie des transes", Tétraèdre

mercredi 1 septembre 2010

Le champ néo-ferenczien

Sandor Ferenczi a ouvert aux psychanalystes au moins trois champs.
Le premier est une aire intermédiaire, transitionnelle, d'expérience et de recherche techniques. Ce champ a comporté, chez Ferenczi, trois temps. Le temps premier des techniques actives, le temps second de la relaxation psychanalytique et de la néo-catharsis, enfin le temps troisième de l'analyse mutuelle. Il a vite remarqué que les généralisations n'étaient pas possibles. Il n'y a que ce qui opère avec cet analysant-là, que ce qui a son efficace dans sa relation analytique avec lui. Ce champ "technique" est surtout clinique, c'est celui de la clinique des relations analytiques. Les transitions corporelles dans l'analyse sont bien néo-ferencziennes : que convient-il, ou plutôt que revient-il de faire avec cet analysant-là et avec mon contre-transfert vis-à-vis de cet analysant-là ? C'est de la justesse des actes de l'analyste qu'il s'agit. Je pose alors cette question impertinente : dans cette aire transitionnelle d'expérience et de recherche clinique-technique, jusqu'où l'analyste peut-il transir, flotter (cf les objets flottants des systémiciens) et régresser pour que le passage d'inconscient à inconscient s'ouvre ? Ferenczi a insisté sur l'initiative de l'analyste : il peut activer, laisser-faire et lâcher-prise, il peut instaurer ou non une réciprocité plus ou moins grande.
Le second champ ouvert par Ferenczi, c'est Thalassa. Un essai d'explication de l'ontogénèse par la phylogénèse. L'histoire des avatars de l'espèce humaine en chacun de nous. Une idée que l'on retrouve par exemple dans la biologie totale, dans le décodage biologique des maladies,... Idée qui va au delà du transgénérationnel et qui n'était pas tout à fait neuve, Freud et la horde primitive en tenait déjà quelque chose, mais elle trouve un déploiement inédit dans Thalassa. Elle permet aux analystes de prendre du large et de voir la mer.
Enfin, le dernier champ ouvert aux analystes est celui du Journal clinique : une clinique de l'être thérapeute en é-cri-ture. C'est une respiration pour l'analyste. L'originalité de ce champ est celle d'une écriture quotidienne spontanée, presqu'une écriture du contre-transfert de l'analyste qui peut ainsi s'écrier et relire son cri,... De cette écriture transitionnelle, il peut témoigner et transmettre.

mercredi 18 août 2010

Variations sur le corps

Que les corps soient des corps-participants, magnétiques ou non, tels des pré-sujets corporels s'accordant ou non aux rythmes ambiants, qu'ils soient des corps-partenaires, en postures de sujet ou d'objet, pris dans des combats ou des ébats, ou des corps-interlocuteurs, instruits par le Tiers, ils varient infiniment selon les thèmes et les contextes.
Les thèmes du corps :
- l'identité (et les identifications) et l'altérité (l'altération et l'altercation),la vérité et les masques, la duplication (le double, le clone), il subsiste toujours des ombres,
- les intensités pulsionnelles : intoxications ou régulations (principe de constance), ou encore subversion libidinale du corps biologique par le corps érotique relartionnel,
- les impressions (incorporations sensorielles, sensitives, sensuelles) et les expressions, monstrations et démonstrations,
- les mouvements (régressifs, progressifs, transgressifs, intégratifs, créatifs), le mouvement d'aller vers, d'oser, de (se) surprendre, de combattre,
- les accidents, blessures, tortures, douleurs, la présence de la mort dans la vie,...

Nos réponses thérapeutiques sont d'infinies variations à partir du contexte :
contacter, ombiliquer, sentir et ressentir, respirer, verticaliser, lâcher-prise, rythmer, dénouer, bercer, contenir,apaiser, couper, scander, interpréter, construire, abréagir, transir, improviser, éveiller, réveiller, secouer, exprimer, globaliser, rassembler, entourer, surprendre, interloquer, ouvrir, déplier, unifier, porter, supporter, tenir, soutenir, main-tenir, confronter, acupresser, regarder, écouter, entendre, toucher, hapter, sculpter, tisser, déposer, charger, décharger, extraire, trier, consentir, répartir, sépartir, créer, danser, mouvoir et se mouvoir, parler, ne rien dire, s'abstenir, percuter,...les possibilités sont nombreuses et les nuances aussi.

jeudi 24 juin 2010

Ulrike Bolenz, à destinations humaines.

Dans le cadre du cycle "Péril de soi et expérience" du Séminaire des Cliniques de la création, le 11 mars 2011, exposé de Michel Galasse

"Fragments d’analyse d’une œuvre contemporaine.
Ulrike Bolenz, à destinations humaines"

Ulrike Bolenz est une artiste contemporaine allemande. Elle vit et travaille en banlieue bruxelloise, depuis plusieurs années. Elle est à la fois peintre, sculpteuse, photo-plasticienne et dessinatrice. Elle pratique un art de la transition et entraîne toujours le regardeur dans du non vu. Toutes ses œuvres sont de véritables documents d’une humanité en devenir dans la subversion de ses propres codes. Ulrike déforme l’image, modifie nos repères perceptifs, transforme les échelles et dévoile en effaçant. Avec ces multiples co-présences de proximité, elle nous relie à ce corps inconnu, voire insu, que nous avons tous un peu derrière la tête.



Ses thèmes de travail sont éminemment contemporains et en même temps archétypiques, qu’il s’agisse du clonage, du cocon, de l’alter ego, d’Icare, de l’espace brisé, de la combattante, ou du groupe. Ce sont des espaces verbo-moteurs et pathiques qui sont ainsi mis en scène : répéter (insister ou réitérer), briser, tomber, combattre, s’envoler, voler, rire, se replier, marcher, gester,…

Mais Ulrike Bolenz échappe-t-elle entièrement à la peur allemande ?

Vous pouvez consulter son travail en visitant son site internet : www.ulrikebolenz.de


Michel Galasse est psychothérapeute analytique à transitions corporelles dans deux services de santé mentale en brabant wallon : La forge de vie situé à Clabecq et Champs d’être à Jodoigne.

Auteur du livre Les transitions corporelles dans l’analyse, paru en 2008 dans la collection Psychothérapies créatives chez Fabert, il termine la rédaction d’un second ouvrage intitulé Dans le vif du sujet. Contacts, postures, mouvements et formes d’existence, à paraître probablement dans la même collection.

L’artiste sera présente et répondra aux questions concernant ses oeuvres.

mercredi 2 juin 2010

Feeling and moving cure

Freud a inventé la talking cure, la cure de parole. Sur un modèle assez proche du paradigme freudien, je propose de plus en plus ce que l'on pourrait appeler une feeling and moving cure. Une cure de sentir et de se mouvoir à partir du sentir.
Qu'est-ce qui opère donc dans une thérapie ? Certes, la parole est nécessaire, mais sentir, ressentir et se mouvoir à travers le contact et les sensations, ouvre autrement la parole.
- Sur quelle(s) source(s) brancher le(s) sujet(s) et comment peut-il aller chercher ses ressources insues ? Comment mettre le contact ?
- Comment raviver le feu intérieur et en trouver progressivement la maîtrise ? Comment animer la forge pour produire de nouvelles formes de soi ?
- Comment ancrer et enraciner le sujet, mais aussi comment l'alléger, le délester d'un poids et lui faire explorer le milieu aérien ?
- Quels trajets proposer à ce sujet singulier ? Quels espaces transitionnels créer ? A quels objets flottants, transitionnels, médiateurs, recourir ?
- Comment lui faire sentir son axe, le verticaliser de l'intérieur, trouver l'énergie du redressement ? L'étayer sur sa colonne vertébrale ?
- Comment le faire respirer partout, dans ses muscles, ses organes, ses os, ses articulations, sa peau ?
- Comment explorer le haut potentiel du geste et du mouvement ?

Durch en allemand, through en anglais, à travers en français, disait Freud : travailler à travers (la répétition, le transfert, les résistances, la mémoire,...). Etant szondien, je propose :
- oser (sentir et se mouvoir) à travers le contact,
- vouloir (prendre position) à travers la sexualité,
- devoir (trouver la limite) à travers la paroxysmalité,
- pouvoir (oeuvrer et créer) à travers la schize du Je.

Comment le(s) sujet(s) que nous  rencontrons en thérapie, osent, veulent, doivent et peuvent leur existence ?

Comment, avec lui, avec elle, avec eux, osons-nous, voulons-nous, devons-nous et comment pouvons-nous ?
Voilà quelques bonnes questions pour savoir si nous rencontrons vraiment nos patients.

mercredi 19 mai 2010

Les transgressions analytiques

Transgresser pour la plupart d'entre nous, a une signification négative. Transgresser fait référence aux normes, aux codes, aux lois et conventions, qu'il s'agit de ne pas respecter. Or nous transgressons tous tous les jours, et d'une certaine manière, heureusement, sinon nous serions dans le même, dans la répétition, dans de l'égalitaire, dans le conforme. Biensùr, beaucoup de transgressions sont inacceptables et nous devons nous y opposer. Mais toute invention dans l'histoire de l'humanité a toujours été de nature transgressive. Toute création est transgressive. Elle reprend du même, le mélange et le compose autrement, nous le présente autrement. Je dis dans mes ateliers, "je propose, transgressez", "je dispose, transgressez". Transgressus, qui a traversé. Traversé quoi ?  Traverser la matière de soi pour une nouvelle manière de soi.
Les premiers psychanalystes se voulaient subversifs, donc éminemment transgressifs. Les suivants, à part quelques exceptions, - Winnicott, Dolto, Pankow, Roustang, Tisseron, Clerget, Roussillon, ...-, sont étrangement répétitifs, bien dans les codes et les cadres, dans les dogmes et les doctrines, bien dans leurs écoles et dans les discours de petits maîtres. Où est passé le pouvoir de subversion, de renversement, de bouleversement, le passage nécessaire par un chaos un peu organisé ? Où est passée la surprise comme émotion qui saisit les deux protagonistes ? Quand vont-ils enfin oser d'autres dispositifs, d'autres théories ? N'y a t'il encore que la perlaboration (working-through) pour transsubjectiver nos analysants ? Comment ouvrir à l'acting-through (peragir), au feeling-through, au moving-through, au playing-through, au creating-through ? Sentir, respirer, se mouvoir, jouer, créer, agir,... à travers les matières et les énergies de soi et de l'autre, à travers l'Autre.

vendredi 30 avril 2010

Le traitement contemporain de l'insolite

Le corps contemporain, dans le surgissement incessant de ses états, traversé par les co-présences, explore les nouveaux espaces d'échanges et de résonnances multisensorielles. Ce corps contemporain, qui est à la fois sujet, objet et outil, producteur, transformateur et lecteur de lui-même, invite à un nouveau dialogue et un nouveau questionnement. Né d'une déperdition et d'un désaississement en profondeur, il se met au travail en deçà des codes, des conventions et des modèles. Bruissant, bouleversant, délié ou relié, dans le vif de son mouvement, émerge un mode différent de symbolisation de la dramaturgie de l'être. Dans l'Atelier du Geste, comme dans l'Atelier du monde, les corps sont des champs relationnels producteurs de poésie. Ce qui rend ces ateliers si porteurs, c'est probablement cette mise en travail des intensités sensitives implicites: les sujets y trouvent des sensations brutes puis subtiles, des sensations d'émotions, des sensations d'idées. Progressivement et lentement, les ateliers proposent un mouvement vers le contact-improvisation, où deux corps sont au contact, en appui réciproque, et réinventent leurs relations, vers le butoh, où les corps, au contact du sol, régressent avant la marche et retrouvent des traces de l'archaïque, vers le taiji où le geste s'épure et se fluidifie, un mouvement global vers les vecteurs d'esthésie, vers un corps-passage, dans la recherche exploratoire de ses destinations. L'essentiel pour chaque sujet est ce qui s'y déploie, ce qui y circule, ce qui se rencontre.
Les voies sont : respirer dans les trois diaphragmes (crânien, thoracique, pelvien), sentir les vibrations tactiles et les modulations subtiles des échanges sensibles, travailler avec l'imprévisible et oser, trans(e)gresser sans cesse et s'abandonner aux secousses profondes de soi.

http://www.youtube.com/watch?v=D9ulxw5zIas&feature=player_embedded#!

mercredi 7 avril 2010

Ombiliquer le sujet

Nous rencontrons des sujets qui se sont pour ainsi dire presque arrachés le nombril. Des écorchés vifs! Défaut d'étayage ou de présence, parents trop narcissiques et toxiques, hyperexcitations précoces, soins maternels désaffectisés... Nous avons alors parfois, au cours du processus thérapeutique, à ombiliquer l'analysant. Techniquement, cela revient à poser sa main sur la région de l'ombilic et à l'y laisser au moins vingt minutes sans la bouger, si possible une demi-heure. Notre analysant vient y respirer, y communiquer, s'y sentir vivant.
Vinciane m'a dit: "cela me fait voyager dans tout mon corps, y repérer mes tensions, m'y sentir vivante, c'est un voyage à l'intérieur". Claudine dira "vous me faites apprécier mon corps, c'est neuf, d'ordinaire, je ne l'aime pas". D'ailleurs Claudine ajoutera avec pertinence, que ce qui importe dans la thérapie, c'est à la fois ce contact corporel, qu'il soit statique (ombilicant, haptonomique) ou dynamique (sculpture sur le vif,...), associé au dialogue. Ce qui importe, c'est que je m'intéresse à elle de manière multimodale (auditive, visuelle, tactile, cénesthésique et kinesthésique, olfactive). C'est cela qui lui procure lentement une conviction sentie de son être et qui l'amène progressivement à s'apprécier, corps et âme.
A partir de l'ombilic, cela s'accorde et cela rayonne. Tout le corps est vite concerné par cette communication archaïque, par ce réveil du cordon.

mercredi 17 mars 2010

Le squiggle en 3D

Winnicott a introduit et utilisé, dans l'analyse avec les enfants, le squiggle-play, traduit par jeu du gribouillage. On peut dire qu'il s'agit bien d'une adaptation de l'association libre au geste graphique, mais que celle-ci engage autant l'analyste que l'analysant. Non seulement, je pense que l'on peut l'utiliser dans l'analyse d'adultes, et pas seulement dans celle des psychotiques, mais cette technique est particulièrement opérante dans le groupe analytique. Pratiquée dans mes ateliers (Atelier du Geste et bientôt dans l'Atelier du Monde), elle est d'abord, comme Winnicott l'avait introduite, un jeu. Cette dimension ludique première rend possible la désinhibition des sujets et relancent leurs participations. Avec l'approfondissement du travail analytique en groupe, le suiggle play devient plus socialisant, les partenaires prennent leurs places, les échangent même, se font reconnaitre, des duos se créent et des joutes duelles émergent. Le miroir devient multifaces. Un peu plus loin dans l'aventure de l'atelier, le suiggle se fait déposition des drames humains, et à son terme, pour peu qu'il y en aie un, il devient création artistique, oeuvre interpersonnelle qui interloque qui le regarde.
Mais, ce que j'ai à dire ici, brièvement, c'est qu'il faut le suivre plus loin: le geste graphique est certes important, mais squiggle renvoit aussi à griffonner, torsader, (se)tortiller. Après le gribouillage, entrons dans la troisième dimension, donnons lui du volume, toujours de manière associative. Sculptons (avec de la plasticine, de la terre, des chamumeaux), collons-y des objets, associons des mots écrits ou dits, des mouvements dansés. Associons toutes nos torsades, nos griffonades. La griffe des sujets n'en sera que plus profonde. Ouvrons le suiggle aux arts contemporains. Griffonons avec nos analysants. La partie haute, si elle est sculptée, reste. Si elle est dansée, il est utile de la filmer. La trace peut être revisionnée et revisitée.

lundi 22 février 2010

L'Atelier du Monde

Dans quel monde vivons-nous ? Quel monde nous parle, quel monde désirons-nous ?  De quel monde décrochons-nous ?
 L'Atelier du Monde vise à rencontrer l'information comme une énergie. L'humain a besoin de nourriture, d'oxygène et d'information. Il mange, il respire, il s'informe. Comment prêter autant d'attention à l'information qu'à ce qu'il y a dans son assiette et qu'à l'air que nous respirons ?  Quel monde est le mien ?  Quel monde est celui des autres que je côtoie ?  Combien y a t'il de mondes à découvrir ? A l'heure de la surmédiatisation, de Google Earth,..., qu'est-ce que je sais vraiment du monde ? Qu'est-ce qui m'émeut et m'intéresse vraiment ? Quelle information nourrit mon élan vital ? Comment suis-je au monde ?
L'information, ce n'est pas seulement le journal télévisé, parlé, la gazette, les publicités, c'est aussi la conversation que j'ai avec autrui, la couleur des murs de mon habitat, la relation affective avec mes proches,... Que je lise un livre ou que j'écoute de la musique, ou encore que je sois soumis au bruit de la circulation, tout cela est de l'information qui m'arrive. Qu'est-ce que j'en fais ? Laquelle est pertinente pour moi ? Laquelle me nourrit vraiment ? Laquelle m'envahit et m'intoxique ? Quelle information je recherche activement ? A quelle information suis-je soumis passivement ?
L'Atelier du Monde s'adresse à des adultes isolés, que ce soit par peur, par dépression, par manque de moyens, d'occasions ou d'idées, mais prêts à explorer et rencontrer le Monde, c'est-à-dire ce qui les entoure, de près ou de plus loin. Chacun y prendra conscience de ses choix de vie, choix contraints ou plus ou moins libres. Il s'agit d'un espace thérapeutique de groupe. Des expériences mondiales y seront proposées, en utilisant des médias diversifiés (écriture, parole, photographie, arts, pratiques corporelles, gestes, techniques de l'outil,...). Par exemple, dessiner l'intérieur de sa maison, fabriquer ensemble un photo-langage, commenter l'actualité à partir de soi, lire à haute voix une poésie du monde, réaliser son mandala, faire l'expérience d'une posture de yoga, d'une danse du monde, goûter une saveur du monde, partager un fait culturel,... le tout en partant vraiment de soi et en étant vraiment avec les autres. L'objectif est de se refaire tout un monde, et un monde viable, moins violent, moins effrayant, plus attirant que le précédent.
Les Ateliers du Monde devraient se dérouler un mercredi sur deux, en alternance avec l'Atelier du Geste. Le groupe est de taille réduite: six personnes et un ou deux animateurs-thérapeutes, pour faciliter le partage et les échanges.

lundi 15 février 2010

Se tenir et sentir debout

L'analysant(e) est debout juste en face de son analyste, lui-même debout. Parfois, il est utile de lui demander de fermer les yeux pour sentir à l'intérieur, par la suite il/elle peut garder les yeux ouverts. Pour aider à sentir, on peut donner quelques indications :  sentir à partir des pieds et remonter tout le corps, sentir à partir du sommet de la tête et descendre, sentir les zones tendues et les zones de confort, sentir les rythmes internes (coeur, respiration, vibrations), sentir la peau comme interface, les muscles et tendons, les os, les organes,... L'objectif est : ici et maintenant, et pourtant dans le contexte relationnel du transfert et du contre-transfert, sentir partout à la fois au même instant, ce que François Roustang nomme perceptude, une sorte de perception immédiate et globale d'une attitude. Lorsque l'on demande à un ami, comment il va, ici, c'est du vécu, la question est posée au corps-sujet, cela se vit. Notre corps est cet incontournable filtre par lequel tout transite. Des tensions contradictoires le traverse, des oscillations, des torsions, des déséquilibres, des tremblements, des vacillements et des défauts d'ancrage. Comment en prendre conscience, sinon en osant sentir sur place et devant l'autre ? Tenir et sentir debout, c'est tenter d'ouvrir la conscience corporelle à 360 degrés, c'est ouvrir tous les capteurs sensoriels en même temps, sentir à la fois à l'intérieur et à l'extérieur, sentir comme un nouveau-né.
Aïko oscille devant moi, d'avant en arrière. Les yeux fermés, elle sent le sol incliné, en ascension devant elle. Pour compenser, elle penche un peu vers l'avant. Elle oscille fort mais ne vacille pas. Elle se voit comme un arbre soumis à un vent fort. Elle absorbe l'énergie du vent mais ne casse pas. Et il lui en a fallu traverser des tempêtes depuis sa naissance.
Dans cette éprouvance (Alain Amselek), il y a sentir, il faudrait plutôt dire oser sentir, et il y a se tenir, ou plus précisément oser se tenir. En référence à la tenue interne du sujet: comment se tient-il, comment tout cela tient-il ensemble, dans ce corps-sujet exposé au regard de l'analyste ? Est-ce que cela tient ou se disloque ? Qu'est-ce qui le (la) fait tenir debout ? Qu'est-ce qui le (la) soutient ?  Quelle est sa tenue, sa portance, sa contenance, sa consistance ? Au travers des sensations, qu'est-ce qui insiste et qu'est-ce qui ex-siste. Mes jambes ne me tiennent pas me dit une analysante, sur-prise par d'impressionnants tremblements.
Il est intéressant de proposer ce moment au début et à la fin d'une transition corporelle. Le vécu y est fort différent.

lundi 1 février 2010

Le mouvement Buto comme transition corporelle

Le Buto est une danse contemporaine japonaise, développée au début des années 60 par Tatsumi Higikato. Toshiharu Kasaï a associé par la suite les mouvements du butoka à la psychothérapie. Il y évoque le Butoh Body, processus de disponibilité et d'abandon corporels, corps répondant à l'appel du prochain mouvement. comme une forme d'associations libres dans le mouvement où le butoka semble à l'écoute d'un Autre que soi, refondu dans le registre de l'énaction, métamorphosant sa corporéïté au contact d'un thème naturel suggéré par des mots ou des images, jouant alors des registres du vivant (végétal, animal, humain) mais aussi du minéral. Danse de vie qui implique la reconnaissance de la mort en son sein. retrouve-t-il alors, se mouvant des mémoires enfouies, infantiles, matricielles, ancestrales, culturelles ? Ce qui est certain, c'est que s'ouvrent pour le danseur de nouveaux frayages gestuels, qu'il vit à l'intérieur même de la gestaltung, de la formation des formes et qu'il y est présent en état de conscience modifiée, parfois jusqu'à l'épuisement. Ce n'est pas japonais pour rien ! Le mouvement est le plus souvent lent, parfois même extrêmement lent, visible dans les muscles, os, articulations, tendons, organes, ou sur la peau, comme un questionnement adressé aux impressions et expressions profondes. Le Buto est une danse du volume. En transe, en contact avec soi et avec la terre, avec sa peau, ses os, ses muscles et tendons, ses organes, le butoka questionne lentement mais en profondeur, ses impressions et expressions du corps vivant/vécu, jusqu'à penser à travers lui. La danseuse de Daniel Dobbels, dans son solo Parfois, la colère tombe, me parait empreinte de buto. Regardez-là ici:

http://www.dailymotion.com/video/xapxtn_solitaires-parfois-la-colere-tombe_creation

Questionnements, recherches et explorations, en vue d'une émergence subjective, d'un déploiement de l'être, à partir d'une réception souple de cela même qui le/la traverse. Nous sommes proches aussi du contact-improvisation en danse contemporaine. Faire le vide et se laisser imprégner par une métaphore (le cocon, la métamorphose, le climat, la peur, la colère, le bas-relief qui prend vie, la vie d'une pierre, la poussée végétale, le rythme des saisons,...), attendre l'éclosion des sensations et improviser le mouvement, retrouver en chemin les impressions "perdues" de son enfant intérieur, avec ses impasses, et ... frayer une issue.
Praticable dans l'atelier du geste et dans le dispositif duel à transitions corporelles, sur fond musical ou en silence, les yeux fermés ou ouverts, cela ne laisse pas indifférent. Sur une musique d'Armand Amar, Florence a réalisé en six minutes un enchainement de gestes d'esquive et de protection, quelques torsions, balancements et bercements, les émotions étaient présentes, en rapport avec le présent d'abord, le passé ensuite. Quant à Ariane, elle s'est sentie entièrement dénouée et même libérée.

lundi 11 janvier 2010

Devenir membre de ce blog

Devenir membre de ce blog implique un intérêt théorico-pratique pour les transitions corporelles proposées à l'intérieur d'un praticable analytique, systémique ou transpersonnel. Cela signifie : avoir une expérience (même courte) dans le domaine, consulter régulièrement le blog, proposer l'un ou l'autre article à publier (avec les réserves d'usage quant aux données cliniques), car il est prévu au minimum un article mensuel, faire des commentaires utiles, partager l'information avec ses contacts intéressés,... Si vous êtes membre et que vous avez un article, envoyez-le moi par courriel, je le publierai sur le blog sous votre nom.

lundi 4 janvier 2010

La sculpture sur le vif

La sculpture sur le vif est une technique de travail corporel mais elle ne prend sa pertinence qu'à s'inscrire à sa juste place dans la relation transféro-contre-transférentielle. Ce n'est qu'alors qu'elle devient une authentique transition corporelle qui pourra donner à l'analysant(e) une conviction sentie (Ferenczi) de ce qui lui vient ou revient.
Concrètement, il s'agit d'utiliser sa main, son poing, les pointes externes des articulations inter-phalangiennes, l'extrémité d'un ou plusieurs doigts, le coude, pour sculpter lentement, voire très lentement et en profondeur fascias, muscles et tendons, ou encore points et méridiens d'acupuncture. Une zone ou le corps entier se trouve ainsi brassé. Le mouvement est lent, profond et puissant, comme un modelage par glissement. Le sujet sculpté respire dans le sillon. Différentes techniques s'y métissent : techniques respiratoires, acupressure, rolfing, alignement, stretching, détorsion vertébrale, massage sensitif et mobilisation passive. Une assez bonne connaissance de l'anatomie est évidemment nécessaire.
L'espace corporel de l'analysant(e) est ainsi progressivement dénoué, ouvert, étayé et relié. Le délié du corps est peaufiné, selon la belle expression de Rafael Baile.  Les ostéopathes le disent tous : nos tissus savent !! Ferenczi écrivait en 1930 "les souvenirs désagréables continuent de vibrer quelque part dans le corps". Je pense qu'avec ce travail, s'il vient à sa juste place dans le processus analytique, nous ouvrons les tissus, mais aussi les os, les articulations, les mâchoires du corps (R. Baile), et les organes (pas seulement les viscères, le coeur aussi).  L'analysant(e) est simplement invité(e) à sentir et accueillir tout ce qui vient : sensations, émotions, souvenirs, images, pensées, mots ou phrases, mouvements.
Faire une sculpture sur le vif, c'est animer le corps, remettre un mouvement de vie dans les tissus, lui donner une texture, écrire le contact à même l'étoffe ou à même la peau, raviver la mémoire cellulaire et activer celle des ancêtres, réveiller les traces internes, les messages du corps sculpté, ouvrir la symbolisation sur le mode contactuel. En sculptant, nous contactons la vérité pathique de l'analysant(e), nous ranimons les corps du dessous, les corps de mémoire, tout en créant ici et maintenant un bord vivant dans la relation intersubjective. Nous rendons palpables les impressions de la matière, nous entrons en contact avec les différents enfants repliés à l'intérieur de l'adulte. C'est aussi entrer ensemble dans une poésie relationnelle, là où les vibrations de l'un comme de l'autre se font entendre et se rencontrent, voire s'accordent. Sculpter est  un art.
Nous pouvons, selon ce qui en jeu dans le travail analytique, travailler une zone, toujours érogène chez l'adulte, par exemple, dégager les épaules du sujet timide, dégager l'espace respiratoire thoracique (sternum, clavicules, côtes, hypochondres), dégager la colonne vertébrale, travailler hanches et sacrum pour travailler l'assiette du sujet, travailler les jambes du sujet à l'ancrage insuffisant, enclencher le psychopéristaltisme par un tour du ventre, sculpter une main,...ou faire une sculpture globale donnant au sujet schizoïde un sentiment d'existence. Il faudra s'y reprendre à plusieurs reprises pour assister à l'émergence du corps (inter)subjectif, du corps érotique relationnel, comme l'évoque Christophe Dejours. Ces excitations de Corps et de Temps réengendrent une pulsionnalité et un érotisme (Pierre Fédida), c'est-à-dire, un élan vital.
Faire l'épreuve de la matière, c'est donner consistance, reviviscence et existence, c'est en-former (Céline Masson) le sujet désirant, dans un pur moment de présent. Je pense que le psychosomatanalyste entrevoit dans le corps sculpté, comme Giacometti, les possibles sculptures du sujet (Céline Masson). Apparait alors chez le sculpté une sensation nouvelle de la réalité. C'est donc un travail de résonnance avec la matière vivante et si la main de l'analyste est suffisamment habitée d'Autre (Joël Clerget), elle permet à l'analysant(e) de s'avancer vers l'insu de soi.
Dans cette forme de transagir analytique, les soins maternels archaïques sont remobilisés et le désir de l'analyste est interrogé : désir d'ouvrer (vieux verbe signifiant agir, opérer, travailler), d'affermer (rendre ferme), désir d'entailler, désir de forger (refondre), de porter, de capter, d'hapter, de modeler, de remanier, d'extraire, de graver, d'en-former, de vibrer, de contacter,... Un analyste averti en vaut deux!! Toucher de la sorte est très porteur, si c'est juste, dans le respect profond de la fragilité du sujet. Si c'est pour satisfaire le désir de l'analyste, cela devient pervers et destructeur.